Fiche du témoin
Michel Samson
Michel Samson fait son premier embarquement à bord du Calypso en 1973. Il a toujours aimé son métier même s’il regrette parfois d’être passé à côté de son adolescence. « Pendant que mes copains étaient à mobylette ou sortaient le soir, j’étais en mer. » Mais il revient de sa première marée avec 1600 francs pour 11 jours de mer. C’est plus ce que gagnait son père en un mois.
Michel Samson, mécanicien à la pêche
J’ai commencé à travailler à la pêche en juillet 1974 sur le Calypso, à 16 ans, après un an à l’école des mousses. Gamin, je voulais faire routier ou marin. Mon père était ouvrier chaudronnier aux ACRP.
Le Calypso est un chalutier de l’armement Onfroy-Frezoul, plus de 40 mètres, un moteur de 900 chevaux. Ma première paie, 1600 francs, en 11 jours de mer, c’est ce que mon père faisait en 30 jours de chantier naval. Comme bosco, il y avait Yvon Millet, dit Le Bouc ou Le Chien Poilu.
C’était un bon maître d’équipage, dur au travail mais respectueux du mousse. On me faisait remplir la caisse à aiguilles, chercher du matériel dans le magasin. Quand on pêchait des roussettes, je les dépeçais, faisais sécher la peau qui faisait du papier de verre pour nettoyer le plancher du poste. Les vieux chiquaient et crachaient partout. Le mousse devait ramasser.
Ma deuxième marée a été sur le même bateau et je suis reparti à l’école des mousses. J’ai passé la partie théorique du capacitaire et un brevet pour faire troisième mécanicien.
J’ai été chez Menu, à l’ARPV, comme mousse sur le Flandres, puis sur le Valois. J’ai toujours suivi le même maître d’équipage. Yvon Millet. J’ai été mousse, novice puis matelot et je suis parti au service militaire, à Brest. J’ai fait le Canada, les Etats Unis, les petites et les grandes Antilles, Saint Domingue, le Brésil, l’Afrique, Amsterdam, Londres.
Après, j’ai retrouvé un copain d’école sur le quai, Degris. Je lui ai dit : « Il y a une place sur l’Oeuvre. » Il s’en va sur l’Oeuvre. Le bateau a coulé à l’entrée de la Gironde, perdu corps et biens. Et c’est moi qui devait partir.
J’ai fait vingt ans comme mécanicien, la pêche aux courreaux, les bus de mer. L’hiver, les bus de mer ne fonctionnaient pas, ça me permettait d’aller à l’école pour me perfectionner. J’ai fait quelques remplacements de patrons. Puis j’ai adopté mon enfant. C’est mon meilleur souvenir à la pêche, quand j’ai appris par Radio Conquet que j’étais papa d’un petit garçon, Thomas, né à Tahiti.
J’ai eu un accident de travail sur le Fanny-Gaëtan, un 20,40 mètres, juste avant Noël. On a pris un gros paquet de mer par le cul, ça m’a projeté sur les planches du parc. J’ai pris un coup sur la figure, j’étais tout enflé et le genou droit explosé, les ligaments croisés, le ménisque et tout.
Au retour de marée, je me suis fait opéré à la clinique du genou à Bordeaux mais je n’ai pas complètement récupéré. Je vais bien quelques jours et d’un seul coup, le genou plie et se barre. Donc plus de navigation, retraite anticipée. Je bricole dans ma maison. Mon père a des problèmes à cause de l’amiante. Je l’emmène chez le pneumologue.
Si c’était à refaire, je ferais le métier des oncles à mon fils, les longues lignes à Tahiti. Mon fils adoptif est d’une famille de marins.