Fiche du témoin

Philippe Harlé

Parce qu’il avait toujours le souci de faire des bateaux qui soient à la portée du plus grand nombre, l’architecte naval Philippe Harlé contribua largement à la démocratisation de la voile. Il apprend l’architecture navale pendant les loisirs que lui laissent ses études à l’Ecole Supérieure de Physique-Chimie de Paris, sur des livres américains. A l’époque, il n’y avait pas d’école d’architecture navale. L’Armagnac, le Muscadet, le Juliénas, le Sangria… Philippe Harlé a dessiné plus de deux cent vingt types de bateaux différents.

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Philippe Harlé et la démocratisation de la plaisance

En quoi Philippe Harlé a-t-il contribué à la démocratisation de la plaisance ?

Parce que lorsqu’il était au Glénans et qu’il réfléchissait au métier qu’il allait faire il s’est demandé « Qu’est-ce que je peux mettre sur l’eau qui soit à la portée du plus grand nombre ?  Il a commencé par dessiner un dériveur,  le Hadock   qui était un bateau avec 10 ans d’avance sur son temps, parce que c’était un bateau en plastique. La nouveauté c’est qu’on pouvait empiler les coques, et les envoyer  dans tous les pays du monde. Mais quand il a dessiné ce bateau, ni nous ni le constructeur n’avaient les moyens d’en faire une diffusion nationale ou internationale. Ce bateau était destiné aux Glénans particulièrement qui est un terrain difficile. Il n’y a pas un gramme de bois, il n’y aura pas d’entretien, le safran et la dérive sont en aluminium, donc ça va être bien.

Mais le « 420 » est sorti à ce moment-là, avec beaucoup plus de moyens financiers.   Le « 420 » n’était pas un bateau école. C’était un bateau fragile mais Ils n’ont pas tenu compte du coût de l’heure de vol. [1]

Et puis après quand il à commencer à cogiter  le Muscadet la démarche était de faire un bateau avec lequel celui qui n’a pas beaucoup d’argent peut se permettre de traverser l’Atlantique. Il a dit au constructeur « Vous n’allez pas gagner beaucoup d’argent au début mais vous allez voir, vous allez en vendre beaucoup, et si vous en vendez beaucoup vous allez pouvoir vous organisez faire quelque chose qui soit rentable pour tout le monde, vous gagnerez votre vie,  vous ferez beaucoup de bateaux et les gens seront heureux avec ce bateau.

Le premier bateau plastique que l’on a fait, ça a été le Sangria que l’on a fait avec Jeannot. Et ça a été un succès puisqu’il y en a eu 3000. La démarche que Philippe essayer d’inculquer à tous les constructeurs c’était « Attention, faites un bateau qui ne soit pas cher, vous en vendrez beaucoup ! »

Qu’est ce qui fait que les bateaux de Philippe sont particuliers ?

C’était des bateaux en bouchain, après, il y a eu des bateaux en forme mais au départ c’était des bateaux en bouchain. 

Les hublots dans la coque, c’était nouveau, c’était révolutionnaire ?

Oh oui ! Cela n’existait pas en France ! Maintenant il y en a ! Mais ça n’existait pas du tout !

Donc c’est lui qui a inventé ça ?

On avait vu ça en Angleterre. Un architecte, il ne créé pas sans s’inspirer de ce qu’il a vu ou lu. Il y a toujours une inspiration quelque part ! Donc on avait vu cela sur la côte anglaise. On avait vu un bateau qui nous paraissait un peu original, qui n’était pas très joli esthétiquement mais qui avait des hublots dans la coque. Et je me suis dit : « Tiens pourquoi ne pas faire des hublots dans la coque ? » Et c’est comme ça que c’est venu !

En plus on a choisi des noms de boissons. Il y avait Cognac, Armagnac et puis tous ceux  qui avaient des noms de boissons c’était forcément Philippe. Les bateaux de Philippe sont très reconnaissables.

Et pourquoi ces noms d’alcool ?

Parce que quand Philippe était à l’Ecole Supérieure de Physique Chimie, il lisait « le canard enchainé ».  Et dans le canard enchainé, il y avait les histoires de la comtesse, et ça se terminait toujours par un petit coup de Juliénas. Donc un jour il rentre dans un bistrot place de la Madeleine et puis il demande un ballon de Juliénas, et puis on lui donne il le trouve bon. A ce moment-là quand il a eu son bac, son père lui avait offert un fusil de chasse, parce que mon beau-père était un chasseur. Mais tuer des petites bêtes mais ce n’était pas son truc. Alors un jour il a demandé à son père s’il pouvait vendre son fusil pour s’acheter un bateau et son père lui a dit oui. Donc il a acheté un caneton, un dériveur,  enfin un dériveur un peu lourd qu’il a mis sur la seine à Rouen  et il l’a appelé « Juliénas ». Donc quand on s’est mariés et qu’il a décidé de devenir architecte naval on s’est dit qu’on aller continuer. Après tout le vin c’est un signe de joie, un signe de fête donc on va continuer la dedans, et comme le Muscadet était construit à Nantes on s’est dit qu’on allait l’appeler « le Muscadet » et ensuite on a construit « l’Armagnac » et le premier constructeur c’était un producteur de vin d’Armagnac donc il a était construit dans les vignes.

Mais à partir d’une certaine date, les constructeurs ont décidés de choisir eux-mêmes les noms.  Par exemple » les Feelings »  qui étaient faits aux Sables d’Olonne, Philippe en a fait 5. Mais personne ne le sait car ils s’appellent  tous « feeling ». « Etap »en Belgique c’est la même chose, il en n’a fait 5 mais qui sais qu’il en n’a fait 5. Parce qu’ils ont voulu devenir eux le marketing et plus l’architecte  alors qu’à une époque c’était l’inverse.il ont même dessinés un bateau qui s’appelle le « Love Love » en disant que c’était Harée, mais ce n’étais pas Harlé du tout.

Qu’est-ce qui a fait que tout d’un coup les particuliers se sont mis à faire tous du bateau ? C’est parce que les bateaux étaient moins chers….

Parce qu’ils étaient moins chers, parce que les clubs se sont mis à organiser des régates et des rassemblements. Et puis les ports ont commencé à s’équiper aussi. Je me rappelle avoir fait de la voile aux Glénans,  il n’y avait pas de marinas. On mouillait l’ancre, là où il y avait de la place ! C’était une aventure d’aller dans un port comme Belle-Ile. Petit à petit, les ports ont commencé à s’équiper. D’ailleurs La Rochelle a été un exemple. Je me rappelle quand ils ont fait le port des Minimes, les gens ont dit : « Mais ils sont complètement fous de faire un port de 2000 places ! » Cela n’a pas été une folie !

 


[1] "L'heure de vol c’est rentabilité d’une heure de navigation.  Si vous louez un bateau vous payez une certaine somme pour une heure de voile. Si le bateau est fragile vous êtes obligé de retourner en atelier pour le réparer et  ça augmente d’autant le prix que vous allez payer pour faire une heure de voile. Si vous avez un bateau qui est solide qui n’a jamais de problème et si le loueur est honnête, il louera son bateau beaucoup moins cher. Souvent, on prend le bateau qui est à la mode mais on ne se pose pas la question de savoir s’il est vraiment solide. Philippe avait toujours le souci de démocratiser la voile. "

 

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