Fiche du témoin

Eugène Cordonner

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La maison de Théo (Théo Calloch)

Théo, lui, ne dormait pas.

On doublait Chassiron.

Le bosco me montra la pointe de l’île et se confia. « Mon père a fait naufrage ici en 1925 avec le voilier « Sibel ». Il n’y a pas eu de survivant et le gardien du phare qui avait tout vu et qui n’avait rien pu faire est devenu fou. 

Mais les deux grands-pères sont aussi morts en mer. Ma mère faisait des travaux de couture à Groix. Nous étions trois enfants et elle devait toucher quelque chose comme 50 francs par an. Alors à 8 ans, j’ai fait cinq marchés qui nous ont rapporté 100 francs. A 9 ans, on m’a pris comme mousse. Je faisais la cuisine mais je ne pouvais pas porter la marmite tout seul. J’allais à l’école l’hiver et je m’embarquais l’été. C’était dur en ce temps là, vous savez. Les bateaux étaient sales et inconfortables. On n’avait même pas 24 heures de repos à terre entre deux marées. Comme je ne pouvais pas aller à Groix, ma mère me mettait un panier de linge propre dans un café de Lorient. Et puis, je n’ai pas arrêté de naviguer. On ne peut tout de même pas trop se plaindre. J’ai fait construire ma maison. Il faudra venir me voir. »

Plus tard, je suis allé voir Théo, chez lui, à Mireuil entre la Rochelle et la Pallice.

Dans la salle à manger meublée d’acajou, ouvrant ses fenêtres sur le jardin potager et les fleurs, j’au bu un verre de vin blanc sucré. Théo traversait la pièce avec des patins aux pieds pour me montrer les photos de ses enfants. Ce n’était plus le mousse des voiliers de Groix, ni le bosco barbu du Chantaco, mais un père de famille assez fier de la maison qu’il a offert aux siens et dans laquelle, lui, ne fait que passer. « Ça y est, on vire. Vous arrivez ? »

 

On est revenu me réveiller. Il me semblait bien depuis peu que le moteur ne tournait plus  de la même façon. Le chalutier qui roule davantage encore bord sur bord résonne de bruits étranges. C’est le premier coup de chalut. Et je ne peux manquer ça.

Voilà ce que racontait ce troisième homme, Michel Guillet à bord du Chantaco. Mon père quittant Lorient pour venir naviguer à la rochelle avec le patron Marrec, dont la femme tenait le restaurant « le Gripp » à Groix. Il fit plusieurs marées à bord du « Chantaco ». Ce fut son premier chalutier sur la Rochelle, il en fera 10 en tout.

Michel Guillet partit une marée avec mon père et tout l’équipage pour nous raconter la vie en mer, un précieux témoignage 48 ans après !

Tel un hommage à tous ces marins …

                                                                                              Christophe Cordonner

                                                                                          (fils de Eugène Cordonner)

 

 

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