Fiche du navire
Otello
Comme la plupart des navires construits pour le compte l’armement Lebon, l’Otello tient son nom d’un opéra. En 1958, il est vendu au gouvernement de la Côte d’Ivoire et transformé en navire de Recherches Océanographiques. L’ex-chalutier rochelais sera alors rebaptisé Reine Pokou. Il ne sera désarmé qu’en 1973 après 42 ans d’existence.
Destin d’un chalutier rochelais, un récit de Roland Mornet
Le chalutier Otello d’une longueur de 25/26 mètres jaugeant brut 113 tonneaux (donc pas véritablement un chalutier hauturier) avait été construit en 1931 à Dordrecht en Belgique pour le compte de M.M Guy Toublanc et Léonce Lebon. On disait généralement l’armement Lebon (*) (ils étaient aussi je crois mareyeurs)
Aux navires de cet armement il était généralement donné le nom d’un opéra. En l’occurrence, «Otello» était un opéra de Verdi (en l 887) inspiré d’Othello, drame en cinq actes, de Shakespeare.
Le navire, francisé à la Rochelle le 11janvier 1932, inscrit au quartier le 14 janvier (LR 3246) fut exploité en ce port par les armateurs susnommés sans qu’aucun incident majeur le concernant n’ait été porté à ma connaissance. A signaler toutefois -mais ce n’était ni un accident ni un incident- que ce fut, le premier commandement, à l’âge de 24 ans, d’un certain Yves Joncour (je vous laisse le soin de lui demander en quelle année !...).
Il en est des navires comme des hommes : quand on a plus besoin d’eux on s’en débarrasse et, en 1958, le navire étant devenu obsolète ou nécessitant des frais importants, fut vendu au gouvernement de la Côte d’Ivoire afin d’y servir, après transformation et refonte, de navire de Recherches Océanographiques au ministère de la Production Animale (qui comprenait l’élevage et la pêche). Sa gestion sera confiée plus tard à l’ORSTOM, Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-mer (l’IRD maintenant).
Le commandement du navire fut confié au patron de pêche sablais Jean Tron. Sans doute est-ce pour cette raison que le navire appareilla des Sables d’Olonne, le 30 juin 1958 (à 16 h 15) à destination d’Abidjan où sera basé le navire...
Ndla: Je dispose du journal de bord qui a été commencé mais pas terminé, je ne sais à quelle date le navire est arrivé, détail que tout cela. Quand à la raison du départ des Sables il est possible que les transformations aient été effectuées dans le port vendéen.
L’ex-chalutier rochelais sera immatriculé AN 323. Il sera débaptisé et prendra le nom de Reine Pokou...
L’éponyme étant la reine de l’ethnie des Baoulés (une des principales ethnies de Côte d’Ivoire). L’appellation "Reine Pokou" est très présente en ce pays, magasins etc... Cette appellation tient de la « mythologie » africaine et d’une sorte de mélange de Jeanne d’Arc et... de Moïse : La Reine Pokou et tout son peuple, poursuivie par ses ennemis, arriva à un fleuve. Elle fit là le sacrifice aux dieux, d’un ou de tous ses enfants (Baoulé voudrait dire l’enfant mort). Suite à cela, les eaux de la rivière s’entrouvrirent ce qui permit à la Reine et à tous ses sujets de traverser à pied sec, mais quand les poursuivants voulurent en faire de même, les eaux se refermèrent sur eux...
C’est le patron chaumois Henri Blanchard qui, dès août 1958, prendra le commandement du navire : L’état-major (patron et chef mécanicien) est européen, les autres membres de l’équipage, au nombre de 15, sont des autochtones. Pour les différentes recherches effectuées : prospection thonière ou de fonds de pêche, géologie, courantométrie, biologie, hydrologie (enfin tout ce qui « gie » !), quatre ou cinq scientifiques sont embarqués.
La durée des campagnes ou missions est très variable, de la journée, à 12, 15 jours selon les programmes… Et les enveloppes budgétaires... En 1965 (?) la silhouette de la « Reine Pokou » se profilera sous les falaises de l’île Sainte Hélène, une bien long route pour un si petit et un si vieux navire...
En mai 1969, un certain Roland Mornet, il allait avoir 24 ans (mais ne le dites à personne!) viendra remplacer H. Blanchard, lequel avait demandé au directeur de l’école des pêches des Sables de lui trouver un jeune patron de pêche sérieux (je rougis de confusion) pour le remplacer pendant la durée de ses congés (5 mois). Devenu capitaine de pêche (mais toujours aussi sérieux !), le jeune Mornet reviendra en côte d’Ivoire en 1971 et 1973 (après être allé en Nouvelle-Calédonie). C’est lui qui effectuera les dernières campagnes du navire en tant que bâtiment océanographique. « La Reine Pokou », bien que d’apparence pimpante est quelque peu sénescente. Elle sera désarmée le 20 décembre 1973 à l’âge plus que canonique de 42 ans (*).
Mais la Reine Pokou n’avait pas dit son dernier mot ou plutôt n’avait pas parcouru son dernier mille car elle fut cédée à un forestier abidjanais qui l’utilisa à usage de yacht ou, si vous voulez, de navire de plaisance... Dernière position connue de l’ex-chalutier rochelais: abandonné, à l’état d’épave dans une vasière au fond du port ivoirien de San Pedro... Oui, il en est des navires comme des hommes: ils paraissent avoir plusieurs vies dans une seule existence...
(*) — Dans les années 60, les locaux de l’armement Lebon se situaient sur la route menant au Bout Blanc (avenue de Marillac), c’était la seule maison en dur et à un étage dans le quartier, elle était située à côté de la Coopérative Maritime. Le premier moteur du navire était un Sulzer de 160 cv. Je crois me souvenir que dans les dernières années c’était 2 Beaudouin (160 x 2 ?). Le signe distinctif était TKBZ.
(9 — L’âge canonique pour les dames est de 40 ans (eh oui !). C’était (c’est?) l’âge minimum pour être bonne de curé...