Fiche d'un lieu
Chantier Hervé
Ses amis l’appelaient affectueusement Tonton Hervé. Grande figure rochelaise de l’après guerre, il a marqué profondément de son empreinte la construction navale et la pratique de la voile pendant quarante ans. Fernand Hervé crée son chantier en 1945, juste à la Libération et disparaît en 1984 après avoir vécu toutes les mutations techniques depuis la construction classique en bois jusqu’aux composites, tissus de verre, kevlar, époxy et autres matériaux exotiques. Son grand-père était sculpteur sur bois. De cette ascendance il gardera toute sa vie le goût des belles et bonnes choses et celui de cuisiner.
Le chantier Hervé Une histoire d’amitiés et de passions
Un texte de Yves Gaubert
Ses amis l’appelaient affectueusement Tonton Hervé. Grande figure rochelaise de l’après guerre, il a marqué profondément de son empreinte la construction navale et la pratique de la voile pendant quarante ans. Fernand Hervé crée son chantier en 1945, juste à la Libération et disparaît en 1984 après avoir vécu toutes les mutations techniques depuis la construction classique en bois jusqu’aux composites, tissus de verre, kevlar, époxy et autres matériaux exotiques. Ce passionné, ce bon vivant est né en 1907 à Surgères où son père était patissier-traiteur mais pratiquait aussi la peinture et la musique à ses heures de loisirs. Son grand-père était sculpteur sur bois. De cette ascendance il gardera toute sa vie le goût des belles et bonnes choses et celui de cuisiner.
Pomme d’amour
Le collège Fénelon de La Rochelle est le cadre de sa scolarité. Déjà il va volontiers admirer les trois mâts à la Pallice, ces navires de l’apogée de la voile qui vont disparaître en quelques années. Il fait son service militaire dans les hussards (à cheval) à Coblence en Allemagne en 1927. Sa carrière professionnelle débute à Paris dans la décoration d’appartements chez Jansen. Il y acquiert un sens artistique et s’initie à la dorure à l’or fin sur bois et sur cuirs. Sportif il fait du bateau dans la région parisienne et découvre aussi la moto et la voiture. Quelques accidents et membres cassés seront la rançon de cet amour de la vitesse.
A cette époque là il passait ses vacances à Chatelaillon et à l’île d’Aix et naviguait avec son premier bateau, un monotype de Chatou. « Avec ses amis dont Henri Cabanas, ils avaient envoyé dans la vase la première voiture qui avait débarqué sur l’île », raconte Philippe Hervé, son fils. Pendant cette période parisienne, Fernand travaille aussi pour la galerie Campana où il fait des encadrements (une galerie qui expose de l’art contemporain). Il fréquente les milieux artistiques de Montparnasse, passe des soirées à La Coupole, à la Revue Nègre où l’on le surnomme Pomme d’Amour. Très bon danseur, il est le roi du charleston. Son activité l’amènera même à fabriquer une niche à chien en cuir pour un ministre de l’époque (pas pour son chien, mais pour le ministre lui-même qui avait des fantasmes à assouvir).
Le retour et les premiers canetons
En 1939 il habite à Tours et l’imminence de la guerre de décide à opérer un retour à La Rochelle. Sur un canoë à voile, il entreprend alors le périple Tours-Chatelaillon par la mer en solitaire. C’est déjà un mordu de navigation. Il entre à l’Entreprise Industrielle Charentaise (futur Alsthom) où il est employé à la fonderie. C’est là qu’il va passer la guerre. Georges Paul Thierry, dans son livre « A travers un siècle de notre yachting de course à voile » paru en 1948, évoque cette période de la guerre dans un passage consacré à la Société des Régates Rochelaises. « Cette société se développa considérablement… La guerre vint interrompre ce magnifique élan quand, en 1942, mon camarade Hervé, du Yacht Club de la Marne, canetoniste convaincu, réussit à créer une flotte de Canetons et à organiser des régates sous la présidence de M. Douzille, régates qui se couraient à Marans que le canal maritime de la Sèvre Niortaise. Notons que le fanatique Hervé avait construit lui-même dans son jardin le premier Caneton qui naquit à La Rochelle, mais La Rochelle est dans la fameuse poche et au moment de la libération, comme au temps de Richelieu, la ville est assiégée, heureusement les canetonistes et leurs Canetons s’en tirent sans trop de mal et en 1946, la S.R Rochelaise est chargée d’organiser le Championnat de France à deux équipes, formule nouvelle ouvrant le championnat à tous les propriétaires de Canetons ou aux autres yachtmen français à condition qu’ils se présentent avec un Caneton.
L’équipe Hervé Jay, de le SRR, s’est adjugée ce championnat. Déjà régatier confirmé, Fernand Hervé s’est donc lancé dans une nouvelle aventure, la construction navale. Installé sous l’ancien casino avec un menuisier, Alphonse Trichereau, il construit des Canetons Brix et des Canetons à restriction sur plans Herbulot ou Hervé. Un premier déménagement amène le constructeur régatiste rue Léonce Vieljeux dans le garage d’un certain Claude Bouyer. La première unité qui en sort est un Grontin teugue. Ce passage aux habitables n’empêche pas le chantier de produire des dériveurs, Canetons, 505 et un catamaran de sport, le Snearwater. Michel Briand, le régatier bien connu, est un de ses premiers clients : « En 1948, il a construit un dragon pour les jeux olympiques de Torquay, en Angleterre, sur lequel j’étais équipier avec Roger Mallard. Mais nous avons été deuxième et c’est le futur amiral Kerviller qui a été sélectionné ». En 1952, le même achète un caneton chez Hervé et en 1953 le premier 505 en bois moulé construit à La Rochelle.
Le futur coureur olympique a été marqué par Tonton Hervé : « Il avait une maison sur le Mail et nous y allions pour suivre les cours qu’il donnait sur les régates. Il a été l’étincelle qui a allumé ma passion pour la voile ». Fernand Hervé est ses compagnons s’installent ensuite rue des chantiers où ils louent un bâtiment à M.Clamagerant, marchand de bois à Rouen et fournisseur pour la construction navale. Le hangar est d’ailleurs acheté un peu plus tard en même temps qu’un autre appartement à un grossiste en conserves, M. Rosenfeld.
Eloise et Marie Christine
En 1949 le régatier décide de passer à l’habitable et conçoit en collaboration avec François Sergent, qui va d devenir pendant une longue période l’architecte privilégié du chantier, un sloop élégant et rapide de 10,80 m, Eloise (Eloise signifie éclair en patois charentais, ne pas confondre avec Héloise). Engagé dans la course Plymouth-La Rochelle en 1951, il remporte la victoire toutes classes. L’homme et son chantier y gagnent une notoriété internationale et étonnent les Anglais, maîtres incontestés des plans d’eau, à l’époque.
Il s’ensuivra la commande d’un sister-ship, el Fort Louis pour Maurice Delmas-Vieljeux. Un autre armateur, mais à la pêche celui là, Jean- Claude Menu commande un 10 m sur plans Sergent-Hervé, Marie Christine II. Sur ce voilier lancé en 1952, le jeune patron de l’ARPV (Association Rochelaise de Pêche à Vapeur) régate contre son ami Fernand. Mais Eloise est plus grand et montre souvent son tableau arrière à son adversaire.
En 1958, pour pouvoir se comparer à armes égales, les deux hommes décident la construction de deux bateaux identiques : Eloise II et Marie Christine II. Ce sont des yawls de 13,50 m de long pour 3,15 m de large, construits en double bordé l’un en diagonale, l’autre longitudinal. « C’étaient des voiliers très en avance, les plus modernes de France à l’époque, dit Jean-Claude Menu. En arrière de la quille, il y avait un aileron devant le safran suspendu qui donnait une très grande stabilité de route. J’ai participé à l’aménagement et j’ai fais mettre la table à cartes dans le sens de la marche. Elle était assez grande pour y étaler un format grand aigle. Ces bateaux très bien conçus pour la vie à bord mais pour l’accastillage on n’était pas à la hauteur des Anglais. Les focs en tête étaient très durs à border faute de winches assez dimensionnés ». A cette époque, les deux amis dominent les régates de la SRR et se partagent les places d’honneur.
Jean-Claude menu est alors vice-président au club et Fernand Hervé en est le secrétaire général. Les bureaux de la SRR sont situés dans la salle basse de la tour Saint Nicolas. Mais Fernand Hervé travaille sur les dossiers du club dans son chantier. Entre le bureau de l’armateur au port de pêche et le bureau du constructeur à le cale des chantiers, les allées et venues sont incessantes : « C’est Fernand qui a relancé les activités de le SRR à la fin de la guerre. Il animait les régates, il y tenait le secrétariat du club dans son bureau. Tous les soirs à la sortie du travail, je passais le voir. On discutait, on rigolait, on s’engueulait. La voile et la SRR, c’était la trame de notre vie ».
Engagés dans l’Admiral’s Cup
En 1957, le RORC (Royal Océan Racing Club) a créé l’Admiral’s Cup, une série de régates réservées aux Britanniques et aux Américains. En décembre 58, Jean-Claude Menu écrit au commodore du club londonien pour proposer l’Admiral’s Cup soit ouvert à toutes les nations qui présenteraient trois yachts conformes à la jauge. La réponse fut positive. Trois fois de suite, accompagnés d’un troisième larron, les deux régatiers sur Eloise II et Marie Christine II vont s’aligner dans la célèbre course : 1959 (3ème sur 3), 1961 (5ème sur 5), 1963 (5ème sur 6). Ils prennent alors la pleine mesure des progrès qu’il leur reste à accomplir pour atteindre le niveau de leurs adversaires anglo-saxons. Pour leur première participation les deux bateaux sont contraints d’abandonner dans le Fastnet par suite de la même avarie, rupture de la ferrure d’étai avant.
Constructeur compétent, régatier acharné, Fernand Hervé ne quittera le secrétariat de la SRR quel le jour où les problèmes qu’il rencontre dans ses affaires ne lui laisseront plus le loisir de s’en occuper. D’autres prendront la suite dans l’Admiral’s Cup, notamment François Fournier, sur Varna, un plan sergent construit par Hervé. La France est cinquième sur huit nations cette année la (1965) et François Fournier fait équipe avec Eric Tabarly.
La voilerie
A cette époque le chantier ne construit pas seulement les coques, il fabrique aussi les mâts (en bois) et les voiles. D’ailleurs la voilerie a été créée dès le début en 1946 et a continué son activité jusqu’en 1980. Apres deux ans d’interruption, elle repart sous la direction d’Annie Girard sous le nom de Voilerie Port de La Rochelle, une société complètement indépendante du chantier qui confectionne des voiles à l’unité, avec une petite structure de trois personnes. Celle qui fut la compagne des dix dernières années du constructeur était entrée à la voilerie en 1960 comme apprentie à 14 ans. Les compagnons qui travaillent au chantier y restent longtemps. Pierrot Louis qui a pris la suite à la mort de Tonton Hervé a commencé en 1958 à son retour du service militaire.
Avec Annick, son épouse, il en assure maintenant la direction. La plupart des ouvriers sont fidèles au poste depuis quinze ou même trente ans. Philippe, le fils de Fernand, a rejoint le chantier en 1961 après des stages d’architecture navale en Angleterre chez Illingworth et Primrose. Il dessine des bateaux pour l’entreprise, travaille beaucoup pour la voilerie, à la conception des spies entre autres. C’est l’époque des petites séries en bois moulés : des Maos (9,30 m plan Fernand Hervé), des Odysées (plan Philippe Hervé) dont le premier exemplaire Athéna, a été offert au Musée Maritime par ses derniers propriétaires, l’Antioche, un 6,30 m de Philippe Hervé pour la Marine Nationale, l’Orphée, 10,80 m toujours de Philippe.
Le procédé choisi pour la fabrication de l’Odyssée est intéressant à noter. Fernand Hervé était en contact étroit avec M. Douzille, le PG de SCAN qui fabriquait des flotteurs d’hydravions. Ce dernier était aussi président de la SRR. L’Odysée a été construit en suivant les méthodes de fabrication des flotteurs des hydravions. « Nous avions fait fabriquer des feuilles de contreplaqué spéciales par la SNBCC de Nantes qui faisaient la longueur du bateau. C’était du contreplaqué de 8 à 9 mm entièrement acajou, donc très résistant et léger », raconte Philippe Hervé.
« Très souvent les clients de mon père sont devenus ses amis, François Fournier, le propriétaire des Varna, Duc De Blacas Antoine, le chanteur Johnny Servoz-Gavin, René Sence. Il leur transmettait son amour des bateaux et de la mer ». Philippe dessine aussi un curieux petit bateau de 3,60 m, le Sea Egg, insubmersible pour John Riding qui va traverser l’Atlantique à son bord. Il est construit en bois moulé au chantier : « la coque et le pont étaient d’un seul tenant » (comme un œuf).
La Ville en Bois
Mais coup de Trafalgar en 1965, la commande d’un bateau de luxe, le Saint-Nicolas, un Ketch dériveur de 20 m sur plans Mauric, va mettre le chantier en difficulté. Comme d’habitude Fernand Hervé établit un devis approximatif. Or la construction est très compliquée, avec l’intérieur en style Louis XVI, conçu par Janser, le décorateur parisien. Le devis, de toutes évidences, va être dépassé, mais le client, membre de la famille Michelin, veut s’y tenir strictement et fait boire la tasse au chantier. Ces problèmes coïncident avec le départ de toutes les activités de la rue des chantiers de ce qui va devenir le parking Saint Jean d’Acre.
Fernand Hervé redémarre avec un personnel réduit à la Ville en Bois. Comme les commandes ne peuvent pas nourrir tout le monde, Philippe quitte l’entreprise pour devenir représentant des peintures Internationales et créer sa propre société toujours active en face du chenal du vieux port. Entre 65 et 75 le chantier Hervé prend d’autres tournants liés aux évolutions technologiques : apparition des voiliers en plastique construits en série et développement de la course IOR : quarter ton cup, half ton cup, one ton cup. En 1974 North Stars un half tonner sur plans Doug Pedersen construit au chantier gagne la Half Ton Cup de La Rochelle avec Philippe Hervé comme navigateur. Ce succès relance la dynamique du chantier. En 1970, Fernand Hervé a vendu Eloise II. Vont lui succéder Angela, un Aïkido, Eloise III, un First 30 et Eloise IV, un quarter. Un peu plus tard il achète Gaillarde, un ketch à wishbone qu’il transforme en une élégante goélette. C’est un bateau, tout en teck verni, construit en 1939 par le chantier Abeking et Ramussen de Brême. Il va naviguer avec jusqu’à sa mort. Cette période de la Ville en Bois coïncide avec l’apparition d’une nouvelle génération d’architectes navals dont Michel Joubert est un des plus éminents représentant.
Michel Joubert, Jean Berret, la nouvelle génération
Celui-ci raconte comment il a rencontré Fernand Hervé : « En 1968, j’avais construit l’Arès, un quarter tonner 8 m pour l’engager dans la Semaine de La Rochelle. Je croise Fernand qui me dit « Ton bateau, il a une belle gueule, je cours avec toi et je te fais les voiles ». On a navigué ensemble une journée avant et on a gagné toutes les manches. Nous sommes devenus très amis.
Le premier bateau qu’il dessine pour Hervé est le Bucentaure pour la baronne de Turkheim, une unité de 9,30 m en bois moulé. Et Fernand introduit le jeune architecte de Kiriké, du Chantier Richard de Marennes, d’Olivier Gibert. « On n’a pas construit beaucoup de bateaux ensemble, dit Michel Joubert, mais celui dont il était le plus fier, c’est Diva ». Le One tonner construit en composites est vainqueur de l’Admiral’s Cup en 1983 au classement individuel. Le chantier le sortira en cinq ou six exemplaires.
A la fin des années 70, un autre jeune architecte va confier quelques réalisations à Fernand Hervé. Jean Berret dessine les prototypes de course. En 77, un quart tonner, Œsophage Boogie, est construit chez Hervé « C’était un bateau en bois moulé sur membrures et lisses jointives. Le bordé était composé de deux plis en diagonale en acajou grand bassam et les membrures en contreplaqué, explique Jean Berret. L’architecte de Saint Laurent de la Prée y réalisera aussi Fol à Voile, un ketch pour les Glénans, Kelt La Concorde, un half tonner que lequel Gilles Lebaud gagne le Figaro en 78, Jubilée, un One tonner.
Les évolutions techniques continuent. En 1980, le chantier construit son dernier bateau en bois moulé, Kelt Braz, un trois quart tonner Berret. Désormais le composite prend le dessus pour les prototypes de course. L’atelier de la Ville en Bois participe à la fabrication des pièces pour catamarans Charente Maritime I et II, construit la Concorde (plans Jean Berret), un half tonner pour Patrick Eliès en 1985. Tonton Hervé est d’ailleurs président d’honneur de l’association du voilier Charente Maritime. Jusqu’au bout il reste dans la course.
Mais le 5 avril 84, il est terrassé par un cancer qui s’est déclaré trois avant. Il laisse orphelin sa famille et ses amis. Cet amoureux de la vie avait souhaité un orchestre New Orleans pour son enterrement. Il sera exaucé et partira au son des standards de jazz. Après ce malheur irréparable, le chantier continue avec Pierrot Louis, le fidèle, qui garde son nom à l’entreprise. En 1985, un violent incendie se déclare à la Ville en Bois. Il détruit entièrement l’aquarium de La Rochelle, le chantier de la Belle Lurette et le chantier Hervé. La plus grosse partie des archives du constructeur disparaissent. Grâce aux assurances et à l’aide du SIVOM le La Rochelle un nouveau bâtiment est construit un peu plus loin où le chantier se trouve encore aujourd’hui.
La sous-traitance pour les gros chantiers
L’évolution de la construction a continué. Avec le déclin de l’IOR, les prototypes à réaliser deviennent rares. Pierrot participe à la fabrication de Charente Maritime TBS, le 60 pieds de Pierre Follenfant pour le Globe Challenge, à celle de l’engin de vitesse, assure des aménagements intérieurs de bateaux. Mais le principal de son activité ets la fabrication de pièces mères pour les grands chantiers nautiques de construction en série : Gibert Marine, Bénéteau, Jeanneau, Fountaine Pajot. C’est à partir de ces pièces mères que les chantiers fabriquent les moules de coques, de ponts. « C’est un des trucs les plus difficiles qu’on puisse faire, affirme Michel Joubert, c’est de la sculpture, il y faut beaucoup de talent ».
Pierrot et son équipe sont débordés de travail et continuent la tradition de qualité, le bel ouvrage de Fernand Hervé. Témoin, les aménagements intérieurs, dessinés par Patrick Roséo, du bateau de Pierre Legris (l’homme de la coupe America, un très beau travail d’ébénisterie (un 22 m sur plans de Michel Joubert).
Un homme d’exception
De l’avis de tous ceux qui l’ont connu, Fernand Hervé était un personnage hors du commun, un homme d’exception. « Il débordait d’une joie de vivre incroyable. Il était toujours content, toujours prêt à organiser une fête, témoigne Annie Girard. Tout l’intéressait, la peinture, la musique, la philosophie. Il était à l’écoute. Je pense que ça vient de sa mère qui lui parlait de tout ».
Amoureux de la mer et des bateaux, de la vitesse, excellent régatier (« Il avait du pif », dit Jean-Claude Menu), c’était un perfectionniste dans son métier. « Il n’admettait pas l’à peu près », dit Annie Girard. Il voulait faire de ces constructions de vrais bijoux. C’était plus un poète qu’un homme d’affaires. Il voulait vivre raisonnablement mais s’enrichir n’était pas sa préoccupation première.
Il était du genre à faire confiance. « Une parole vaut un écrit », affirmait-il, ce qui lui a joué plusieurs fois des mauvais tours. Pour Michel Joubert c’était un fêtard incroyable, un formidable bouffon. Il organisait régulièrement des fêtes dans sa barque à Rompsay. Ils étaient nombreux à venir : Jean-Claude Bercier, le Dr Montaubin, Pierre Guillon, James Laporte et bien d’autres ». L’architecte se souvient de nuits de réveillon où Fernand déjà âgé se couchait à 5h du matin moins fatigué que beaucoup de jeunes. « Il avait toujours des histoires à raconter. Nous étions bon public pour ses pitreries, et qualité appréciable, il ne s’intéressait pas qu’à la voile. Il avait une véritable culture et était de ces gens qui apportent autre chose. Il avait le coté sympa des intellos-artistes de Saint Germain des Prés ».
Constructeur, navigateur, régatier, cuisinier aussi, joyeux fêtard, fidèle en amitié, Tonton Hervé a croqué la vie avec gourmandise. Rêveur et poète, il est parti vent arrière…
Yves Gaubert