Fiche du témoin
Jean Sertillanges
Jean Sertillanges était mécanicien à bord des frègates météorologiques. Il n’oubliera jamais la mémorable tempête qu’il a vécu au large du point A, « Il y avait des creux de 22m et du vent !! L'anémomètre était bloqué à plus de 200 km/h, c'était les heures les plus terribles de ma navigation ». Mais il a aussi de très bons souvenirs de sa vie à bord des frégates comme la pêche au thon et surtout la solidarité entre les hommes.
Navires
Souvenirs
Mes meilleurs souvenirs, c'est la pêche au thon, aux mois de juillet-août. A la saison,
c'était un plaisir d'aller à l'arrière. Il y avait 6 tangons sur les côtés, avec une ligne au
bout. Et chacun, on attendait de voir sautiller les thons au bout de nos lignes, de tirer
et de les récupérer. Ce n'était pas des bêtes énormes mais des petites bonites de 3-
4 kilos. Et chacun avait son boulot, l'un de nous étripait, l'autre tirait. On s'organisait.
Les thons étaient suspendus une fois saignés et ils étaient mis en chambre froide. Il
y a eu jusqu'à 1500 thons dans les chambres froides. Après on se les partageait. On
les cuisinait, marinés, ou d'une autre façon, toutes les recettes de thon étaient
possibles. On en a fait des cures !!
Le soir, lorsque la mer était calme, surtout l'été, on pêchait les aiguillettes et les
calamars. C'était de la pêche au fanal, ces animaux sont attirés par la lumière. On
utilisait des épuisettes pour attraper les aiguillettes. Les pêches étaient parfois
miraculeuses !
Les sales souvenirs, ce sont les tempêtes. Mais la chose était prise du bon côté. Il
fallait bien se mettre dans la tête qu'on était là, que c'était notre métier et que ça allait
passer, se calmer. Et le bon Dieu a bien voulu que cela soit comme ça. Je n'ai pas
connu 36 tempêtes, mais j'en ai connu une au large du point A, avec des creux de
22m et du vent !! L'anémomètre était bloqué à plus de 200 km/h. C'était quelque
chose d'effroyable, il était impossible de faire demi-tour pour rester dans la zone bien
déterminée que l'on devait respecter. Il fallait pour cela attendre une accalmie
vraiment miraculeuse. A ce moment là, demi-tour !! On mettait alors les trois
machines en puissance maximum, l'œil pas à droite à gauche, l'œil où il fallait pour
pouvoir répondre aux ordres correctement.
Pour les tempêtes, on était prévenu par le service météo. Nous, on ne la voyait pas
non, mais on la sentait. C'était comme un ange qui passe… Et quel bruit !! Ca
cognait dans la coque, ça c'était un indice ! On aurait dit des coups de canon dans la
coque. Rendez vous compte, des creux de plus de 20 mètres, quand ça nous tombe
dessus, c'est une bombe, des coups de canon !! Franchement, on a vécu des
heures…c'était les heures les plus terribles de ma navigation.
La solidarité entre les hommes était formidable ! Formidable ! Tout le monde était au
coude à coude. Si c'était à refaire et que j'avais le même âge qu'à l'époque, alors je
le referais oui ! oui ! Parce que c'est un sacrifice qui n'est pas vain.