Fiche du témoin
Gina Rousselet
Lieux
Conditions de travail dans Le froid
Il y une année où il a fait moins 16, quelque chose comme ça, une année où les femmes tombaient comme des mouches. Parfois quand mon mari débauchait il fallait qu’il revienne à l’Encan pour sortir les colis. Et comme mon mari ne conduit pas - il est en mobylette- le soir je le ramenais en voiture. Ce soir-là, il fallait qu’il sorte les colis. L’eau et le jus de poisson gelaient dans le magasin, les tripes de poisson gelaient. Ils n’avaient plus l’eau douce pour se laver les mains, tous les robinets étaient gelés. C’était tout gelé. En poussant les charriots, il s’est cassé la figure, il avait glissé.
Qu’est-ce qu’on avait froid ! Je me souviens, on avait les doigts… On allait derrière, on ouvrait les robinets à fond et on mettait nos pieds dessous. Tu verrais, moi j’ai des phalanges qui sont comme çà, là, énormes, qui sont transformées par la glace, par le froid. Parce que les hommes ne venaient pas toujours chercher la glace comme il fallait, ce qui fait que parfois on se retrouvait avec la glace jusqu’ aux genoux, pas loin du genou. On a jamais eu, ma belle-sœur et moi des vêtements chauds comme des doudounes alors que là-bas il faisait moins 7.
Il y avait aussi les coupures, parce que avec leurs couteaux, fallait voir l’état de leur mains. Ils n’avaient pas des gants à ce moment-là.