Fiche du témoin
Marcel Richard
Le grand-père de Marcel Richard était chef de gare et sa vocation était d’être cheminot… pas marin ! Le sort en a décidé autrement et après une formation de tourneur sur métaux, il embrasse la carrière de marin comme pilotin machine à bord du Rochefort de la SNDV (Société Navale Delmas-Vieljeux). C’est ainsi qu’il montera pour la première fois à bord du France I comme ouvrier mécanicien en décembre 1960. Il cessera de naviguer quelques années plus tard pour travailler pendant 40 ans au Bureau Veritas
Navires
J’étais né pour être cheminot, pas pour être marin ! Et pourtant …
Un texte de Marcel Richard
Au risque de décevoir, je dois avouer que ma carrière maritime n’est en rien le fruit d’une vocation, loin s’en faut ! Ma véritable vocation, c’était le chemin de fer. Elle était suscitée par l’admiration que je vouais à mon grand père (et parrain) Marcel Jourdannaud qui avait été chef de gare. C’est d’ailleurs dans ses appartements de la gare de Saillat-sur-Vienne (Haute Vienne) que je suis né, un beau jour de Mars 1936. Je savais à peine tenir sur mes jambes qu’il m’apprenait à marcher en équilibre sur les rails entre la gare et le pont qui enjambait la Gorre ! (Une façon comme une autre de prendre les chemins de traverse). J’étais né pour être cheminot, pas pour être marin ! Et pourtant …
Il fit de son mieux pour combler mes désirs en sollicitant pour moi une place d’apprenti dans les ateliers de la SNCF, hélas, à cette époque, en 1950, cette institution prestigieuse avait trop de demandes pour peu de places ! En désespoir de cause, j’entrais alors en 1ère année, au centre d’apprentissage annexé au collège technique de La Rochelle (Rue Albert 1er) pour devenir tourneur sur métaux. Trois ans plus tard, il me fallait trouver du travail. Grâce à l’appui de la direction du susdit collège, et nanti du C.A.P. de tourneur sur métaux, je fus embauché en tant qu’ouvrier spécialisé 2ème échelon (O.S.) aux ateliers Jenner à Surgères (Entreprise en partie polyvalente mais plutôt orientée vers les machines agricoles qui, outre une fonderie , disposait d’un atelier mécanique avec tours, fraiseuses, rectifieuses, mortaiseuses, perceuses, raboteuses etc.). Trois mois plus tard, cette usine, en mal de commandes, dut se séparer d’une partie de son personnel. C’est ainsi que je me suis retrouvé chômeur (sans la moindre rémunération car avec trois mois de travail il n’était pas question à cette époque, de prétendre à quoique cela soit !). Je connus alors une période difficile, cherchant à tout prix un emploi de gratteur de coques de navires aux chantiers navals de La Pallice, pour m’entendre dire par un contremaître, en des termes plutôt rudes, que je n’avis rien à espérer de ce côté ! Cette fin de non recevoir m’est apparue plus tard… beaucoup plus tard… assez savoureuse, lorsque, devenu Expert du Bureau Veritas, je suis venu contrôler les navires construits par les ACRP ! Mais ceci est une autre histoire ! Mon père, qui était chauffeur aux Autobus Rochelais (maintenant RTCR), me présentait un jour à Georges Moreau, chef mécanicien de la Société Navale Delmas Vieljeux. Comment l’avait-il connu ?... Je ne l’ai jamais su et je regrette un peu aujourd’hui ce manque de curiosité ! Lors de notre entretien Georges Moreau me proposa fort aimablement son appui pour embarquer comme « Pilotin machine » pour une navigation au long cours sur les cargos de la SNDV (Société Navale Delmas Vieljeux), le fait d’être titulaire d’un CAP pouvait me dispenser de passer par l’école d’apprentissage maritime, mais il me fallait avoir 18 ans au moins, ce qui n’était pas encore tout à fait le cas. C’est au moment où le monde maritime me faisait ce clin d’œil, que les ateliers Jenner de Surgères , fort de commandes nouvelles, me proposèrent une réembauche.
J’acceptais donc la proposition des Ateliers Jenner histoire de « mûrir » un peu. A la réflexion ceci me fût salutaire à plus d’un titre. L’année 1954 passée dans l’usine m’affirma dans la pratique du travail des métaux ce qui par la suite me fût bénéfique et je disposais ainsi d’un délai de réflexion appréciable avant de m’engager dans un mode de vie un peu hors du commun il faut bien le dire !
Au cours de cette année 1954, l’idée fit son chemin : d’un côté une vie d’ouvrier qui ne laissait guère de place à l’inattendu, où l’évolution de carrière était très hypothétique. De l’autre, une vie que j’avais bien du mal à imaginer (personne dans ma famille n’avait approché le monde de la mer autrement que pour pratiquer la pêche à pied, et encore !) Une vie que je devinais pleine de découvertes (les voyages !) mais aussi secouée par d’effroyables tempêtes, il en était toujours ainsi dans ces films dont le noir et blanc ajoutait au côté tragique ! A l’époque, Jean Gabin et les coups de tabac de « Remorques » faisaient un tabac ! Ce qui a fini par faire pencher la balance, c’est, je crois, le spectre du chômage. Pour en avoir subi récemment les affres, je craignais fort de devoir encore affronter ses méfaits. Tout en continuant mon travail à Surgères, je gardais le contact avec celui qui finalement allait être mon mentor dans une carrière… pas du tout programmée. Je ne me souviens pas vraiment de la procédure suivie, ni des demandes officielles effectuées, mais je crois que les Affaires Maritimes m’avaient remis un fascicule provisoire pour me permettre un embarquement en règle. (Mon vrai fascicule ne fût établi que le 23 Juin 1956).