Fiche du témoin

James Pain

James PAIN a quinze ans quand il embarque comme matelot sur le Val de Saire, un bateau rochelais. A 20 ans, il est déjà bosco. Il quitte la pêche en 1979 pour travailler sur les sabliers à La Pallice. Il était toujours « sur le pont » du Musée Maritime de La Rochelle pour raconter ses embarquements. Il le faisait avec gentillesse, talent et humour. Il nous a quittés le 14 janvier 2010.

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Honneur aux femmes, conversation entre Lionel Salamanca, James Pain et Maurice Garet

 

- Lionel Salamanca : on parle toujours des matelots, je voudrais faire honneur aux femmes de marins aussi. Quand elles restaient seules à la maison et qu’il y avait deux ou trois drôles à s’occuper, ce n’était pas de la tarte et s’il y avait quelque chose qui ne marchait pas, il n’y avait pas de bonhomme pour réparer. Il fallait qu’elle aille chercher la bouteille de gaz sur le vélo moteur, même pas sur un vélo moteur, sur le porte bagage de son vélo… On parle rarement des femmes pourtant elles ont eu du mérite aussi.

- James Pain : ce qui m’a semblé le plus dur, c’est d’être éloigné de ma famille. Un enfant malade, une naissance…Il faut quand même que le bateau s’en aille…Il peut arriver n’importe quoi quand le marin est en mer. Votre femme est sur le point d’accoucher, vous partez en mer et trois jours après, vous receviez un message ! Ca nous arrivait de partir la veille de Noël.

- James Pain : en plus en plus de ça, quand on faisait des mauvaises marées, on ne touchait pratiquement pas de sous. Nous, on repartait pour 15 jours de mer… mais, elles, elles n’avaient pas de sous puisqu’on ne leur avait rien ramené ou pratiquement rien. Il fallait qu’elles refassent encore 15 jours avec rien du tout ; alors il fallait qu’elles gèrent leur budget avec ce qu’elles avaient… ce n’était pas facile, ce n’était pas facile du tout…

- Lionel Salamanca : Et puis, ce n’était pas facile, la relation avec nos gosses, on hésitait avant de les punir trop sévèrement…

- Maurice Garet : On ne pouvait pas se permettre ça !

- Lionel Salamanca  : sinon, ils se seraient dits : « vivement que le vieux foute le camp » !

- Maurice Garet : Ben, oui…

- Lionel Salamanca : mes gosses n’ont jamais attrapé une claque

- Maurice Garet : Ben, non ! (Rires)

- James Pain : J’ai eu deux filles, elles étaient superbes…superbes. Ma femme disait aux enfants « papa va rentrer alors soyez sages ».

- Lionel Salamanca : Moi, je disais aux enfants : «Quand papa est là, c’est papa qui commande, et quand papa n’est pas là, c’est maman qui commande ; alors attention ! ». Je ne disais rien, mais j’aime autant dire qu’elle n’avait pas peur de donner une claque aux gosses.

- James Pain : On n’a pas eu trop de soucis avec nos deux filles.

- Maurice Garet : Non, moi non plus.

- Lionel Salamanca : Mais, par contre…J’en ai emmené un faire une marée…il n’est jamais remonté sur un bateau de pêche ! !

- Maurice Garet : j’ai deux fils et deux filles. Mes deux fils sont tous les deux venus faire une marée. Il y en a un qui a eu de la chance, il a fait une marée avec un calme plat, mais le grand, alors là ! Il ne s’est pas plaint du voyage …mais il est parti en courant !

- Lionel Salamanca : mon fils, ça ne l’intéressait pas. Il s’est lancé un peu dans les bateaux chez Pinta, il a participé à la construction du Charente-maritime et du bateau d’Isabelle Autissier.

- James Pain : il n’y a pas beaucoup d’enfants de marins pêcheurs qui sont devenus marins-pêcheurs !

- Maurice Garet : très peu oui. Les miens ont fait marins d’Etat. Au mois de décembre, il y en a un qui embarque sur la « Jeanne d’Arc »,  je vais aller la voir partir.

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