Fiche du témoin

James Pain

James PAIN a quinze ans quand il embarque comme matelot sur le Val de Saire, un bateau rochelais. A 20 ans, il est déjà bosco. Il quitte la pêche en 1979 pour travailler sur les sabliers à La Pallice. Il était toujours « sur le pont » du Musée Maritime de La Rochelle pour raconter ses embarquements. Il le faisait avec gentillesse, talent et humour. Il nous a quittés le 14 janvier 2010.

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Martine Bouyer, fille de marin

Entretien avec Yves Gaubert

 Martine Bouyer, née Pain, est la fille de James, marin pêcheur, et Annik Pain. Elle n’a pas épousé un marin.

 « En tant que fille de marin, je n’ai pas eu l’impression d’avoir une vie différente des autres parce que j’avais des cousins dont les pères étaient aussi marins. Entre tous les cousins, on avait tous la même vie. La différence, on s’en apercevait à l’école, au moment de Noël, de Pâques, qu’on fête entre nous quand le père n’est pas là et qu’on fête une deuxième fois avant ou après en fonction du retour du père. On faisait deux Noël, un avec lui et un sans lui. Les Noël avec Papa, on les compte sur les doigts d’une main. A l’école, les camarades sont stupéfaits de voir qu’on fête Noël avant l’heure.

On a eu une vie très festive quand Papa était là. On a eu une éducation très matriarcale. Les décisions étaient prises par Maman. Pour nous, c’était naturel. On était formaté par cette éducation, Dans cette vie, c’était courant, c’était très joyeux quand il arrivait. On était gâté, un vêtement, un bracelet…

Il compensait le manque. Les anniversaires, c’était exceptionnel qu’il soit là. Il était un peu gauche, très maladroit, très timide, très peu démonstratif. C’était leur métier dur qui voulait ça, c’était une façade qu’il avait.

Je me souviens. J’étais un peu jalouse pour l’anniversaire de ma sœur parce que Papa était là, c’était le hasard. mais ça m’a marqué, Papa est rentré pour Anne-Marie et pas pour moi.

Je n’ai pas épousé un marin mais quelqu’un qui est malade en mer, à l’antipode du marin. Après les réparations du bateau, on sortait pour le réglage du compas, on passait la journée en mer. C’était souvent en plein été. Je ne regrette pas d’avoir eu un père marin. On a eu une vie un peu différente des autres. Tout était festif quand il était là, sauf le premier jour où il ne fallait pas faire de bruit quand on sortait de l’école à 17 heures. Il arrivait à 14 heures après le déglaçage, il dormait et il ne fallait pas le réveiller.

On ne le voyait pas beaucoup, que les deux repas du soir, Juste bonjour Papa et on partait à l’école. Les repas, c’était un peu les repas du dimanche quand il arrivait.

Quand on faisait quelque chose de mal, notre mère nous disait : je vais le dire à ton père. C’était des menaces sans suite. J’ai appelé mon père par son prénom jusqu’à l’âge de 7 ans ; Je ne voulais pas l’appeler papa à la maison. C’était pour lui faire sentir qu’il n’était pas là. J’avais besoin qu’il me dise maintenant ce n’est plus James, c’est Papa. Une fois j’ai dit à ma mère, James arrive. Mon père m’a donné une tape, maintenant c’est fini, ne m’appelle plus James, c’est Papa. Et je ne l’ai plus jamais appelé James. »

 

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