Fiche du témoin

Jean-Pierre Morin

Elève des peintres Morvan et Claude Suire, puis étudiant aux Arts Décoratifs. C'est Marin Marie, par ses conseils et encouragements qui va lui ouvrir la passion de la peinture, et du voyage à la voile.

Il embarque à 18 ans sur le chalutier Evel, et tirera de cette expérience récit, anecdotes et peintures. Il consacre alors son temps libre à son art et à la construction de son voilier.

L'essentiel de sa peinture et de ses textes sont inspirés par ses voyages.

 

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Partager mes passions

Un récit de Jean Pierre Morin

 Faire partager mes passions de la peinture et de la navigation à voile, c'est d'abord essayer d'expliquer, pourquoi je suis heureux en mer, et qu'une fois revenu à terre, dans l'intimité de l'atelier, la peinture me permet de retrouver ces instants de bonheur, ou je suis en osmose avec mon bateau qui taille sa route, avec les couleurs du ciel et de l'océan, du nouveau continent, de la nouvelle ile à découvrir, et dont j'essaierai de retrouver l' émotion, pour la traduire du bout de mon pinceau.

Courir la mer pour vingt ou trente jours de traversée, permet de retrouver le temps véritable, celui que le rythme effréné de la vie moderne nous interdit d'adopter, le tempo donné par la mer et le vent, commande le rythme des jours . Le terrien devenu marin, peut laisser sur le quai, montre, carnet de rendez vous, horaires, et autres obligations, toutes choses qui nous paraissent si importantes à terre, et deviennent dérisoire quand la cote s'estompe.

 Désormais et pour toute la durée de la traversée, l'action du navigateur sera de composer avec les éléments, pour conduire son bateau vers le but à atteindre, vers ce nouveau port, ce petit point sur la carte, but de ce nouveau voyage, de cette nouvelle aventure, chaque jour sur le grand routier, le point de midi à la meridienne, et maintenant le GPS, nous donne la distance parcourue, ce sera 175 milles, 140, 160 peu importe.

L'ennui en mer n'existe pas, il y a les taches quotidiennes, le rythme des quarts, la cuisine, la lecture, la marche du bateau, le réglage des voiles. Chaque levé du soleil, la mer nous fixe ce que sera son humeur pour la journée, un jour indolente et endormie, le lendemain puissante et échevelée, souvent prévenante, rarement agressive, il faut composer sans cesse avec elle, mais c'est la seule contre partie à la maxime : homme libre, toujours tu chériras la mer …...

Pour un profane, notre univers paraît se limiter au 360° de l'horizon, mais on y trouve une merveilleuse intimité, la radio nous permet d'écouter la fureur du monde, mais sans la subir, il suffit d'éteindre pour retrouver le chant des vagues. On ne fuit pas le monde, on le met simplement entre parenthèse le temps d'une traversée.

Et chaque jour le ciel et la mer offre un festival sans cesse renouvelé de forme, de couleur et de bruit, la nuit la beauté du ciel invite à la métaphysique, le vertige vous prend devant l'immensité de la voute étoilé, le jour il faut se faire violence pour quitter le balcon avant, le regard se perd dans la vague d'étrave, le reflex fait défaut pour cadrer dans le viseur, la derniere acrobatie du dauphin. Il me reste à lire, deux chapitres de Rouge Bresil, mais déjà, sur l'océan, le vert jade remplace le bleu outremer, les frégates, oiseaux des cotes, remplace les fous, oiseaux du large. La longue houle se fait plus courte. Je dois ranger le livre, et je songe à la joie de Colomb qui, le premier, à du comprendre à ces infimes changements la proximité de la terre.

La traversée se termine et on n'aura pas vu le temps passer.

Demain, ou après demain, imperceptiblement, l'Amérique du Sud sortira de notre horizon marin, et nous y laisserons Aquarelle notre voilier se reposer de sa longue chevauchée

Je reprendrai mes pinceaux,et ma soif des couleurs du Bresil.

Jean-Pierre Morin

 

 

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