Fiche du témoin
Jean Le Meur
Le 18 novembre 1959, le petit Jean Le Meur quitte Paimpol et embarque comme novice pont sur France 1. Il a écrit sur ses campagnes à bord des textes pleins de poésie, de sensibilité et de délicatesse. Il est, depuis 2003, un fidèle des rendez-vous « Alors, Raconte » depuis 2003.
Navires
Songes
Je reste un long moment seul sur le pont à regarder « mon bateau » qui file déjà dix noeuds sur cette mer plate qui ondule doucement au souvenir d'une colère précédente, aujourd'hui apaisée. L’île de Ré dans quelques instants ne sera plus qu’un souvenir. Chaque endroit du navire s’identifie à un murmure. Ainsi, sur le gaillard, le bruit de l'eau fendue par l'étrave est variable selon qu'elle pique dans la vague ou au contraire qu'elle se relève. À la passerelle, par beau temps, on distingue seulement le ronronnement atténué des moteurs, supplanté parfois par une brise légère qui chantonne dans les haubans. Sur le premier pont, outre le clapotis des vagues contre la coque, on entend les deux arbres d’hélices, comme une nichée de chatons, qui ronronnent d’un contentement inattendu, variable selon les mouvements du navire. Sur la plage arrière, les yeux fermés, grâce à la poussée hydraulique exercée par la barre sur le servomoteur et le gouvernail, on devine les manoeuvres du marin à la barre à la passerelle. Dans la coursive des cabines de l'équipage, le vacarme assourdissant des trois moteurs Paxman, Athos, Portos et Aramis, ponctué du claquement de la porte de la salle des machines, est une véritable épreuve qui contraste étrangement avec le silence du bord lorsque le navire est alimenté en électricité à partir du réseau à quai. Toutes ces écritures musicales seront à qui veut bien les entendre, partitions solo, duo, trio quintet ou symphonie et nous accompagneront désormais pendant notre séjour au point K.