Fiche du témoin
Yves Joncour
Yves Joncour est né en 1929 à La Rochelle de parents bretons. Sa mère était originaire de l’ile de Groix et son père de Tréboul. Sa vie active débutera à 14 ans comme mousse sur le Jouet des flots pour terminer sa carrière sur le Fomalhaut qu’il commandera pendant 18 ans… A la retraite, il continue à s’intéresser à la pêche et écrira plusieurs textes et ouvrages en particulier « Drames de mer 1939-1945 en Charente-Maritime ».
- De mousse à patron de pêche
- Femme de marin par Yves Joncour
- Gréement de la pinasse sardinière, un texte de Yves Joncour
- Grève de 1968
- Grève de 1968 : réunion du 29 mai
- Je suis né dans le quartier Grek…
- La montre des marins finistériens
- La pêche à la sardine à La Rochelle, un texte de Yves Joncour
- La pêche rochelaise de 1939 à l’après-guerre
- Les conditions de vie du marin sardinier, un texte de Yves Joncour
- Les sardiniers, un texte de Yves Joncour
- Population maritime et vie quotidienne sur le port de la Rochelle
- Rapport de mer de La Vague
- Rapport de mer du Fomalhaut
- Reconstruction des flottes de pêche après guerre.
La pêche rochelaise de 1939 à l’après-guerre
Sur le port de La Rochelle, il y avait une soixantaine de voiliers de 20 m environ. Une quarantaine étaient immatriculés à La Rochelle et appartenaient en majorité à des armateurs (non navigants) rochelais. Les équipages des voiliers rochelais étaient composés en majorité de marins bretons. Les autres voiliers provenaient de l’Ile de Groix, d’Etel, de l’Ile d’Yeu et des Sables d’Olonne. Les équipages étaient formés de six hommes. L’été, c’était la pêche au thon avec des campagnes qui duraient de quinze à trente jours. L’hiver, c’était la pêche au chalut qui retenait le voilier au large, suivant le temps, une semaine environ ; le travail manuel y était très dur. La paie variait suivant le résultat de la pêche et de la vente. Quarante-quatre de ces voiliers ont été construits aux Sables d’Olonne dans les années 1920/1930. Il y a le dundee avec mât de tape-cul et la gazelle possédant un seul mât. Certains de ces voiliers seront victimes des tempêtes et accidents de guerre. Il y avait aussi trois à quatre voiliers inscrits à La Rochelle et montés par des équipages noimoutrins spécialisés dans la pêche au casier (crabes, araignées, homards, langoustes).
Je n’ai pas connaissance de construction de voiliers durant cette période, mais la transformation de certains de ces voiliers en chalutier moteur. Le progrès arrive à grand pas, la fin de notre métier aussi.
Durant cette période, une quinzaine de bateaux seront des sardiniers (longueur 10 à 15 m, puissance motrice 25 à 35 chvx), l’un d’entre eux, le Dahlia sera transformé en vapeur en 1944. La moitié des sardiniers travaille au filet droit sélectif, chaque marin est propriétaire de ses filets. L’équipage est composé de quatre à six marins. Les autres travaillent au filet tournant. Vaste senne dévastatrice. Contrairement aux filets droits, l’armateur est propriétaire des filets tournants. L’équipage est composé de douze à dix-huit hommes, la mécanisation n’ayant pas encore son développement, l’huile de coude est reine. Une seule pinasse sardinière sera construite en 1943.
Soixante dix bateaux dits de petite pêche dont une dizaine de canots à voile et moteur font partie de la flotille rochelaise. Une trentaine de coureauleurs (bateaux de huit à dix mètres avec moteur de dix à trente chevaux), ceux-ci font la journée de pêche avec un à deux hommes à bord.
L’autre partie de ces chalutiers (dix à quinze mètres avec moteur de trente à soixante chevaux) effectue deux à quatre jours de mer suivant leur rayon d’action avec un équipage de trois à quatre hommes.
Cinq bateaux de cette série seront construits, trois en 1941, un en 1943 et un en 1944.
Il y a aussi soixante quinze chalutiers à moteur de 90 à 300 chevaux pour une longueur de 20 à 33 m. Cette série de chalutiers « J3 » ainsi nommée en référence à une carte de rationnement (appellation qui survivra de très longues années) servira à départager les vapeurs qui sont alors les poids lourds de l’époque. Les marées durent de huit à douze jours et l’équipage est formé de six à dix hommes.
Environ vingt cinq de ces bateaux seront réquisitionnés au début de la guerre et disparaîtront du fait de celle-ci.
Deux de ces chalutiers seront construits en 1939, deux en 1940, dix en 1941, deux en 1942 et un en 1943, tous de construction en bois dans des chantiers français.
Trois armements principaux sont propriétaires de trente trois chalutiers vapeur pour un tiers chacun environ. Ce sont des vapeurs de trente trois à trente cinq mètres disposant d’une force motrice de 170 à 500 chevaux, ils ont été construits pour la plupart des les années 1915/1918.
Ces chalutiers sont montés par un équipage de quatorze à seize hommes et pratiquent de dix à quinze jours de mer et vendent au bassin des chalutiers.
Beaucoup de ces chalutiers seront réquisitionnés par les Français d’abord, les Allemands ensuite, au point qu’il n’en restera que deux ou trois qui pratiqueront la pêche. Certains mais très peu reviendront à la fin des hostilités.
La flotte des vapeurs chalutiers se reconstituera (une trentaine) du fait de l’exode des pêcheurs boulonnais, dieppois, fécampois, lorientais, qui arrivèrent à La Rochelle avec famille et bateaux. Ils se fixeront à La Rochelle pour la durée de la guerre. Leurs chalutiers sont plutôt vétustes car construits avant et au début du siècle.
En septembre 1944, c’est l’arrêt de cette flotille par manque de charbon. Elle ne reprendra la mer qu’après la libération en mai 1945. Pour faire naviguer tous ces marins, il fut instauré un roulement d’équipage, toutes les deux à trois marées, il y avait changement d’équipage.
Il y eut beaucoup de drames en cette période. Bombardements, mitraillages, mines, sans compter les risques naturels au métier, tempêtes ou accidents de mer.
Un texte d’Yves Joncour