Fiche du témoin
Henri Bouchon
Henri Bouchon n’oubliera pas le 13 janvier 1952 : jeune pilotin à bord de l’ Agen, un cargo de l’armement rochelais Delmas-Vieljeux, il fait naufrage. Rescapé, il ne mettra pas pied à terre et persistera dans sa vocation maritime. En 57/58, il sera matelot sur le Mermoz, un des navires météo stationnaires qui sera remplacé par le France 1 et France 2. Photographe amateur et talentueux, on lui doit de beaux portraits d’anciens marins présents sur ce site histoiresmaritimesrochelaises.
Navires
Paule Bouchon, souvenirs de femme de marin
Un récit de Paule Bouchon
C’est en assistant à la présentation de la lecture-spectacle « Rumeur des quais » les 20 et 21 septembre 2008 qu’une bouffée de souvenirs chargés d’embruns et de sel m’est revenue.
Je me revois à La Pallice, port d’attache de la compagnie Delmas-Vieiljeux. C’est un matin brumeux, il fait froid, je regarde le cœur serré s’éloigner le cargo qui emmène mon compagnon pour un long voyage de 9 mois entrecoupés d’escales courtes de 3 rotations de 3 mois. En plus de la brume, la tristesse envahit ceux qui partent et celles qui restent. Déjà, dans la tête des femmes s’organise le quotidien qu’elles vont vivre pendant cette longue absence : il faudra faire face aux plus petites difficultés comme aux plus grandes : petites réparations ménagères, démarches administratives, éducation des enfants qui se sentent à chaque fois abandonnés par le père.
Et on regarde ce grand bâtiment qui nous rend si petites, avec, à bord ces minuscules personnages qui sont nos hommes. On le regarde s’éloigner en direction du Golfe de Gascogne qui n’a pas toujours bonne réputation : c’est un coléreux. Bientôt, le cargo ne ressemble plus qu’à une esquisse au fusain sur fond de ciel et de mer grisâtre. Enfin, l’âme et le cœur aussi gris que l’ambiance de ce matin, on s’en retourne dans notre foyer avec au fond de soi, l’espoir d’un télégramme qui nous annoncera une prochaine escale plus longue, suffisamment du moins pour qu’on puisse se retrouver, se reconnaitre, faire le point de nos vies pendant cette absence. Les lieux d’escale différent : Bordeaux, Dunkerque, Cherbourg, Rouen, l’Angleterre ou la Hollande…On préparera vite la valise, on prendra les billets de train ou d’avion, pour enfin recevoir un autre télégramme qui annulera tout : plus d’escale !
Je vous laisse imaginer le désarroi et la déception : mais les escales ne doivent être ni fréquentes ni longues, cela coûterait trop cher aux compagnies.
Ainsi s’installent les jours dans l’attente du grand retour de repos … le bonheur.
Ces quelques mots rappelleront des souvenirs à nombre d’entre vous : femmes de marins qu’ils soient à la pêche, au commerce, à la Royale, gardiens de phare ou encore bénévoles de la SNSM. Salut et bonnet bas à elles pour leur courage, leur discrétion, leur modestie.
Paule Bouchon, Femme d’Henri Bouchon, Marine marchande