Michel Etien : matelot, bosco et second à La Rochelle
Un texte de Yves Gaubert
Michel Etien est d’une famille de marins pêcheurs de La Rochelle. Il a été 15 ans marin sur L’Albatros, avec Francis Le Lamer.
« J’ai fait l’école maritime à Port Neuf, la première année qu’elle s’est fondée. Je suis parti comme mousse, on m’a dit : tu vas faire la cuisine. C’était un petit bateau en bois, le Gascon. J’avais 15 ans. Au début, j’ai trouvé que c’était un boulot très dur. Quand vous sortez des écoles et que vous vous trouvez à la mer, c’est dur. On apprend sur le tas, sur le bateau. Il faut commencer en bas de l’échelle, mousse, matelot, bosco. On nous mettait pas la catégorie de bosco. J’ai passé le 250. Quand on était démerdard, on touchait à tout. J’ai commandé Mon rêve.
Je suis parti avec François Le Lamer, sur le Chaperon Rouge, le père de Francis. J’ai fait beaucoup de bateaux, quand ça marchait pas, je débarquais. Je travaillais très dur, j’aimais bien avoir une paie. C’était une vie de famille, on sympathisait. J’ai navigué aussi avec Marco Bonnet, sur le Battant, quelqu’un de très bien.
J’ai fait les industriels, par exemple, sur Le Maire Jean Guiton, on a pris une tempête. On n’avait plus d’antenne, plus rien ,tout était cassé. On descendait du Nord, on s’est retrouvé à Cordouan, le patron Jojo Coriton : on est à Cordouan, pas à Chassiron.
Le bateau où je suis resté longtemps, c’est l’Albatros avec Francis Le Lamer. Quand le bateau était en entretien, je faisais des marées sur d’autres bateaux. J’ai fait deux marées sur l’Angoumois.
J’ai fait 15 ans sur l’Albatros comme cuisinier, bosco, matelot, mécanicien. Francis était un patron qui regardait partout. J’ai aimé naviguer sur ce bateau, question part équipage et godaille, il était juste. On montait dans le golfe de Gascogne et jusqu’à Ouest Irlande. On faisait des bases avancées, on rentrait à Brest ou Concarneau. On débarquait le poisson qui était chargé par des camions de La Rochelle et on repartait. Il cassait pas tellement. J’ai été sur le Lui avec Michel Gaboriau, il prenait des risques : « Tu préviendras si ça fraîchit. » Michel se levait, il foutait la manette dans le coin, « tu touches pas ». Jusqu’au jour où les carreaux ont volé en éclats. Il y avait beaucoup d’avaries avec lui.
C’est un métier qui m’a plu, mais j’ai eu des accidents. J’ai eu le bras cassé avec Pascal Guénezan, sur le Lui. Je donnais un coup de main au bosco pour glacer le poisson. Il y avait pas d’échelle pour descendre. On avait 70 nœuds de vent, le bateau s’était mis en travers. Il y avait des cargos qui passaient. D’un seul coup le patron met en route. Il y a une déferlante qui est arrivée. Elle a tapé dans le bateau, j’ai pas pu me tenir, je suis tombé dans la cale et je me suis cassé le bras. Le patron a pas voulu me ramener à terre aussitôt. Avec le bras en écharpe, j‘allais travailler quand même. Quand je suis rentré, on a fait le nécessaire. Le patron a eu des ennuis. On était dans le canal Saint Georges, il aurait pu me déposer. Il voulait me faire hélitreuiller avec 50 nœuds de vent, c’était pas possible.
J’étais représentant syndical pour les salariés, au syndicat autonome. Le patron ne voulait pas me donner ma paie. On a su après qu’il était mal assuré. Il était obligé de me payer. Je suis allé aux affaires maritimes, 24 heures après, le patron me donnait tout. Je suis parti sur un autre bateau. J’ai eu des séquelles, je suis pensionné. Ensuite, j’ai eu la rotule et le fémur cassé en trois morceaux en me rendant sur le bateau.
Ce que j’aimais bien, c’était le déglaçage. On me le demandait toujours, on déglaçait à la pelle, il fallait pas esquinter le poisson ni la langoustine. Le matériel, le poisson, je faisais attention.
Au départ, on n’avait pas de congés, on a fait la grève pour ça, on s’est battu pour que ce soit l’armateur qui paie les congés. Mais j’en prenais jamais. Je voyais presque pas ma femme et mes enfants. Quand je prenais des vacances, c’était pour faire de la maçonnerie chez moi. Mon père a fait maçon, tout le reste de la famille était marin.
Je suis à la retraite depuis 11 ans. Au début, je voulais repartir. Ils m’avaient arrêté pour ma jambe, mon cœur, je tournais en rond. Finalement, je m’y suis fait, J’entretiens ma maison. Quand j’en ai marre je prend mes cannes à pêche. Cette année j’ai fait 180 truites à l’étang, à Angliers. Tous les dimanches ils font des lâchers de truite, je fais aussi la carpe. Comme je suis pensionné de la jambe et du bras, je n’ai pas de petit bateau. »