Annik Pain, femme de marin pêcheur
Un texte de Yves Gaubert
Annik Pain est la veuve de James Pain, marin pêcheur à La Rochelle. Elle est née Coheleach, de parents bretons. Sa mère était du Morbihan, son père du Finistère.
« Je suis né à La Rochelle dans le milieu maritime pêche. Mon père était marin comme mes oncles et mes grands-pères. J’ai passé le certificat d’études et j’ai travaillé une saison à la sardine dans l’usine de conserve Brisset. Puis, j’ai fait un apprentissage de couture pendant 3 ans et j’ai travaillé à Confection Atlantique, la chemiserie à Jéricho. J’ai quitté ce travail pour me marier.
J’avais 20 ans en 1955, quand j’ai épousé James Pain après 10 mois de fiançailles. Il était marin pêcheur, bosco, il avait 25 ans. Il a fait 23 ans second.
La femme de marin passe beaucoup de temps à attendre. Mon mari partait de 15 à 17 jours pour 3 jours de terre en comptant le déglaçage et le nettoyage du bateau. Je ne le voyais que 2 jours par marée. C’était toujours la lune de miel. Quand il arrivait c’était la fête. Il y avait un peu de jalousie de la part de mes deux enfants.
J’avais des frères marins, on avait toujours de nouvelles : La semaine prochaine, c’est James qui va rentrer. Il n’a jamais voulu avoir quelqu’un de la famille sur le même bateau, au cas où il arriverait quelque chose.
Je suis né sur le quai Valin, mais on a habité 5 ans chez ma mère à Port Neuf puis à Tasdon. On a fait beaucoup de déménagements. Je voulais me rapprocher de ma mère.
Pour les vacances, il a fallu attendre la grande grève de 1962. Les marins vivaient sous la loi Colbert et travaillaient du 1er janvier au 31 décembre. Il n’y avait pas de congés payés. Quand James prenait une marée, c’était à son compte. Quand il voulait se reposer, il allait voir un toubib qui l’arrêtait. Comme ça, il restait embarqué.
A bord, il travaillait 24 heures sur 24. Quand il était à la maison, il piquait sa bonite à n’importe quelle heure (il s’endormait).
Il a bien gagné sa vie mais il m’est arrivé une fois ou deux de payer l’armement. Il était payé tous les quinze jours. J’étais femme au foyer, un marin ne supportait pas que sa femme travaille. Je devais être disponible quand il était là.
Je gérais le foyer. Mon mari n’a jamais fait un chèque. C’était moi qui m’occupait des enfants et de leurs maladies. Ma fille a fait 6 mois avec une typhoïde. En classe, elle ne voulait pas faire classique mais moderne. Le professeur voulait voir mon mari. J’ai eu du mal à le faire venir et j’ai pris la décision.
Attendre et pleurer bien souvent. Fêter Noël bien avant… Il a pris sa retraite à 55 ans. J’ai eu alors le temps de profiter de lui et de le connaître. On était tous les deux. J’ai été grand-mère à 41 ans. J’ai 4 petits enfants.
On a apprécié les dernières années. Il marchait tout l’après-midi. Sa plus grande peine a été de voir partir les chalutiers du bassin pour laisser la place à la plaisance. Il ne voulait pas aller à Chef de Baie. Sur le quai tout le monde se connaissait. Le musée maritime nous permet de nous retrouver. Mon mari est parti à 81 ans, cela fait 20 mois. »