Fiche d'un lieu
Bassin des Chalutiers
D’abord appelé bassin extérieur, le bassin des chalutiers est le troisième équipement portuaire de La Rochelle après le havre d’échouage et le bassin à flot intérieur. L’agrandissement de la taille des navires au 19ème siècle nécessitait la construction d’un bassin capable de les accueillir et répondre à l’accroissement du trafic maritime. Ce nouveau bassin à flot a joué et joue toujours un rôle important dans l’économie rochelaise.
Actualités
Souvenirs d'un éclusier, un récit d'Alain Top
J’étais éclusier au bassin des Chalutiers à la Rochelle quand celui-ci abritait le Port de Pêche. Là bas, on m’appelait l’amiral des mariniers !
J’ai passé 5 ans dans l’infanterie coloniale et j’ai eu un patron qui s’appelait Bigeard, le fameux Général Bigeard. Avec lui, c’était : la route est droite, y’a pas de virage, y’a pas de… non, non, c’est tout droit ! J’ai navigué à la mer, 7 ans à la pêche : c’était pareil tout droit !
A La Rochelle, on était logé dans les maisons des éclusiers qui se situaient à l’emplacement de l’actuel office de tourisme face à l’Aquarium. On travaillait par équipe de deux : un homme de service et un homme de garde. L’homme de service, ouvrait les vannes pour baisser un peu le niveau du bassin, puis ouvrait les portes quand la marée était bonne. L’homme de garde prenait alors son poste pour baisser les barrières, ouvrir les portes et refermer après la marée. Une fois que c’était fini, il partait chez lui. L’homme de service, lui, restait une heure et demie après la fin de marée pour assurer la sécurité. On montait sur le pont pour commander l’ouverture du pont-levis. C’était une « grosse bébête » de plusieurs dizaine de tonnes et on a bien rigolé avec ça … surtout quand il y’avait des tempêtes !
Un jour, c’était un weekend, il y avait 7 bateaux à rentrer. Ils attendaient tous dans le chenal devant les portes. Et là, catastrophe ! Impossible de les ouvrir à cause d’une panne de courant. On était mal là ! Les mecs, ils n’allaient pas pouvoir déglacer et ne seraient pas payés, ce n’était pas possible ! On a appelé l’électricien de la DDE. Il avait bien la clé du transfo mais c’était dangereux car ce transfo faisait 20 000 volts. Il m’a dit « ce n’est pas grave, j’ai l’habitude. A Lille, j’avais la clé du transformateur de 20 000 volts et je changeais les fusibles, regardais la position des disjoncteurs… J’étais inquiet : « tu sais faire ça toi, le ch’ti ? » Il m’a répondu : « Nous, dans le Nord, on ne sait pas tout faire mais presque ! Donc, on a enlevé le vieux fusible qui était grillé. Et comme on n’en avait pas de rechange, j’ai eu une idée : « Dis donc, et si tu mettais un morceau de tube en alu à la place juste le temps de rentrer les bateaux ? ». Je vais à l’atelier pour lui couper un morceau de tube à l’atelier. « Après, le plus embêtant, ça va être de le remettre », il m’a dit. « Tu vas le faire avec moi ». « Ben oui », je lui réponds, « comme ça, si toi, t’es grillé comme une brochette, je serais dans le même état ! ». On a balayé, nettoyé l’intérieur du transfo, j’ai mis le tabouret en bois avec des isolateurs de verre, il a mis une ceinture, a pris des gros gants en caoutchouc qui avaient l’air neufs. Mais, je l’ai arrêté et lui ai dit : « attention, le chef éclusier a marché dessus avec ses chaussures, et comme il marche dans le gravier, il vaudrait mieux en prendre d’autres ». « T’as raison », qu’il me dit, « s’il y a un trou, je suis mort ! ». Il va donc chercher une autre paire. Je l’attache avec un « bout’ » à sa ceinture pour le tirer rapidement loin des fusibles, on met les lunettes… Avant de passer à l’action, il se tourne vers moi et me de’mande : « t’as pas peur ? » « Oh », je lui dis, « ça n’évitera pas le danger ! C’est toi qui prends le plus de risque, moi je verrai le flash ! » « Bon, » il dit, « à 3… on y va ! 1..2..3 VLANNN ! Il a réenclenché le fusible : VLANNN ! Je l’ai vite tiré en arrière. Totale, on s’est pris tout les deux une belle gamelle en tombant en arrière mais on était vivants et le courant était revenu. Quand les marins ont su ce qu’on avait fait, ils nous ont traités de cinglés ! Mais, moi, je ne me voyais pas les laisser à l’extérieur au risque de leur faire perdre une marée !
C’est godaille pour les éclusiers !
Les armements nous prévenaient 24 h avant l’arrivée de leurs bateaux. Dès qu’ils approchaient, les bateaux nous passaient un message radio. Ils étaient contents quand ils entendaient notre voix, ils arrivaient à la maison ! Quand les bateaux arrivaient, souvent, ils balançaient une caisse sur le quai. C’est godaille pour les éclusiers ! Merci. Moi, je n’ai jamais rien demandé, c’était l’usage. Et souvent, je peux vous dire que c’était du poisson frais parce que, forcément, c’était le poisson du dernier trait de chalut. Je me souviens que lorsque le Manuel-Joël est rentré de sa dernière marée, les deux frangins Teillet nous ont apporté une bonne bouteille et un seau de queue de langoustines fraiches décortiquées, y’en avait au moins pour 40 kilos !
Un jour, c’était le patron du Péoria, je crois, il arrive à la porte de la capitainerie en portant un sac. Il le vide, se recule et dit : « ça, c’est pour vous ! » ! C’était une raie bouclée vivante. Le collègue, il est monté sur le bureau ! Il n’avait jamais vu une raie vivante d’aussi près. Il me demande si c’était dangereux. Je lui dis de se méfier du dard sur la queue. Moi, qui avait été marin-pêcheur, je suis allé mettre des bottes cuissarde, j’ai pris des gants, un bon couteau, j’ai sauté sur le dos de la raie et hop, couic ! Je lui ai fait son affaire. Après, il a fallu la brosser, l’écorcher ….c’était un délice !
Ma femme elle aimait bien quand je ramenais après les marées de nuit des sacs poubelles pleins de crabes. Je vidais ça dans l’évier avant d’aller me coucher. Le matin, les crabes, ils étaient tous partis en promenade dans la maison. Et, quand elle se levait, elle criait ! Ce n’était pas des petits crabes, non, ils étaient gros comme des assiettes !…
J’ai toujours eu de bonnes relations avec les marins pêcheur. Il savait que j’avais navigué 7 ans sur les bancs de Terre-Neuve, qu’avant j’avais travaillé à la mine et que je n’étais pas un petit rigolo. Je les respectais, eux aussi.
Souvent, quand les femmes de marins venaient attendre le bateau la nuit, elles venaient à la capitainerie pour ne pas rester sur le quai. On leur donnait des infos sur l’arrivée du bateau qu’elles attendaient.
On voyait beaucoup de gens, les amis du Musée maritime qui étaient à bord du France 1, les gens de la douane, des navigateurs qui venaient chercher des infos sur la marée : je me souviens en particulier de Kersauzon, d’Isabelle Autissier, de Philippe Poupon. On connaissait tout le monde !