Fiche d'un armement

Frédéric

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Les années 1960 : l’âge d’or de la pêche industrielle

          Jusqu’aux années 1960, « les armateurs ont gagné beaucoup d’argent. Cela a incité des gens qui voulaient s’enrichir à investir dans la pêche grâce au système des quirats (…) » dit Emile Vinet, ingénieur d’armement chez l’armateur rochelais Oscar Dahl[1]. « Ce système, dit-il, a permis de draguer des capitaux qui cherchaient à se camoufler après la guerre[2]. L’armement Frédéric ramassait de l’argent pour créer des sociétés de pêche et promettait 24% de dividendes exonérés d’impôts[3] ». Cependant, nous l’avons vu plus haut, la pêche, alors abondante, au sortir de la Première Guerre Mondiale, assure un bénéfice qu’Henri Veron escomptait de « 12% pour les porteurs de parts ». Cette rentabilité demeure élevée après la deuxième Guerre Mondiale.

        Philippe Fournet[4] confirme ce tournant des années 1960 : « A La Rochelle, la pêche, activité rentable jusqu’en 1965, attira des capitaux d’origine très diverse. La bourgeoisie libérale et foncière de la région, à la recherche d’affaires lucratives, investissait volontiers dans les armements, profitant des avantages fiscaux aux sociétés de quirataires (…) ». 

L’armement Frédéric, initiative d’un financier 

          M. Robert Frédéric est un financier, « pas un armateur », dit l’armateur André Auger. Il est arrivé à La Rochelle à la fin des années 1950 et a arrêté son activité en 1978. Selon André Auger[5], M. Frédéric monte des sociétés quirataires d’un type particulier, pour la construction de chalutiers. Faisant paraître des annonces dans les journaux financiers, il garantit des dividendes très élevés exonérés d’impôts, « 24% » comme le dit Emile Vinet, ci-dessus. Il s’assure ainsi un bénéfice immédiat en annonçant un prix de construction du chalutier supérieur de 20% au prix réel, dit M. Auger. Frédéric propose des parts de ses sociétés quirataires basées sur ce montant surestimé.

          Il lance de cette manière une douzaine de bateaux, aux noms de régions françaises[6]. M. Joseph Quinio, chef mécanicien,  navigue sur plusieurs des chalutiers de l’armement Frédéric : La Madone en 1962 – le premier chalutier de l’armement, Le Marie Christina en 1963, le Languedoc en 1963, le Touraine et le Roussillon en 1967, le Bigorre en 1971, le Teré Kie en 1974, le Symphémie en 1974-75, et enfin l’Evel en 1978-79, « le dernier chalutier » de Frédéric, dont la dernière marée a lieu en juillet 1978, témoigne Joseph Quinio[7]. Il a des bureaux sur le quai est du Bassin des Chalutiers, à l’emplacement de l’actuel aquarium.

 

Doc 5-  Quiniot Joseph, Livret professionnel maritime, archives personnelles, P. 27


          Selon un autre marin, Jean Cousin, qui a travaillé sur des chalutiers de M. Frédéric pendant 7 ans de 1958 à 1964, celui-ci facturait trois chaluts par marée, même si aucun ou un seul chalut était perdu et plusieurs couches de peinture –cinq – lors d’opération s de rénovation des navires, sans pour autant le réaliser effectivement[8].

          Mais les aléas de la pêche et les promesses faites ont raison de lui. Il  fuit en Espagne avec sa famille, puis en Amérique Latine. Toujours selon M. Auger, un armateur de Concarneau, M. Norbert Jean, reprend alors l’affaire. Il vend peu à peu les chalutiers.

 

Henri Moulinier

 

 


[1] GAUBERT Yves, interview, Emile Vinet, ingénieur d’armement chez Oscar Dahl, www.histoiresmaritimesrochelaises, 10-2011

[2] Monsieur André Auger, armateur, créateur d’un premier quirat en 1958, avec l’Euros, pense, lui, que les sociétés quirataires sont de constitution plus tardive que l’immédiat après-guerre. Le développement de la flotte industrielle ne venant que plus tard, compte-tenu de la priorité des armements au lendemain de la guerre: reconstituer leurs flottes de pêche avec des droits qu’ils avaient déjà avant guerre, remettre en état ou transformer les navires réquisitionnés (rencontre du 21-11-2011).

[3] L’armateur rochelais Frédérique s’est enfui au Mexique, incapable de rembourser les capitaux empruntés et d’assurer de tels dividendes.

[4] FOURNET Philippe, « L’évolution récente de la pêche rochelaise », in Norois, n° 87, 1975, p. 443

[5] Rencontre avec M. André Auger du 21-11-2011

[6] La flotte de M. Frédérique, selon M. TELLIER, artisan – pêcheur, rencontré au Musée Maritime le 16-11-2011 : le Touraine, le Madone, Mon petit, L’Alsace, le Marianne Christina, le Marianne Nadine, le Pactole, l’Evel, le Languedoc, le Roussillon, l’Armagnac et le Gascogne

[7] QUINIO Joseph, chef-mécanicien à la pêche, Livret professionnel maritime. Retraité, il fréquente régulièrement le Syndicat des marins CGT, où je l’ai rencontré et recueilli son témoignage en décembre 2011.

[8] COUSIN Jean, marin- pêcheur retraité, Témoignage, lors d’une  rencontre au Syndicat CGT des marins de La Rochelle en décembre 2011.

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