Fiche d'un armement
Castaing
Fernand Castaing est une figure importante de l’armement à la pêche à La Rochelle dans la première moitié du 20ème siècle. Il commande l’un des deux grands armements de chalutiers à vapeur du port charentais. Forte personnalité, il développe son entreprise allant jusqu’à une vingtaine de chalutiers industriels entre les deux guerres. Il continue après 1945 avec des chalutiers à moteur, classiques à pêche latérale et meurt en 1961. L’armement achète son premier pêche arrière en 1967 mais ferme en 1981 n’ayant pu résister aux crises successives du métier.
L’armement Castaing : Les Chalutiers de La Rochelle
Un texte d'Yves Gaubert
Fernand Castaing est né à Gujan-Mestras en 1876. Il commence sa carrière de marin comme mousse avant de devenir patron de pêche et de s’installer à Royan.
En janvier 1905, avec son chalutier à vapeur, la Georgette, il participe au sauvetage d’un quatre mâts de l’armement Bordes, le Gers.
Fernand Castaing achète la Ginette en 1907 et crée en 1909 la coopérative des armateurs avec trois chalutiers, le Phoque, l’Esperenza et le Sirena. En 1918, il transforme cette coopérative en société anonyme, Les Chalutiers de La Rochelle.
Entre les deux guerres, son armement possède jusqu’à vingt chalutiers. Ils portent des noms d’oiseaux : Avocette, Bartavelle, Bernache, Casoar (oiseau terrestre d'Australie dont la plume orne le képi des Saint Cyriens), Damier, Eider, Harle, Héron, Hirondelle, Imbrim, Palombe, Pélican, Picorre, Pingouin, Tadorne... Mais les navires d’occasion achetés par l’armement ne sont pas débaptisés : Cap Saint-Jean (54 m en provenance de Boulogne en 1973 pour essai de pêche dans le nord, revendu en Argentine), Esperanza, Les Frères Coquelin (en provenance de Boulogne envoyé par la suite pêcher la crevette à Dakar), Ginette, Le Joselle, Menhir, Myrus. Le Nord-Caper, le premier du nom avait pris, pendant la première guerre mondiale, une goélette turque à l'abordage en Méditerranée. Le second Nord Caper a été le premier pêche arrière de la société en 1967.
A l’époque, l’armement occupe tout le pâté des maisons des Affaire Maritimes, de la résidence Pierre et Vacances et des autres bâtiments jusqu'à l'avenue de Mulhouse. Les activités sont intégrées avec une glacière, des ateliers de mécanique et de chaudronnerie, une menuiserie charpenterie de marine et un local de mareyage, une usine de traitement des déchets de poisson à la Ville en Bois (la Tipo, là où se trouve la médiathèque). Il y a même un jardin potager réservé à l'usage unique du patron, à l'emplacement exact du bâtiment des affaires maritimes. En 1926, la partie mareyage et fabrication de caisses en bois de l’armement s’installent dans une pêcherie construite sur le quai Est du bassin des chalutiers, comme les autres armements.
Après l’invention du chalut Vigneron-Dahl, Fernand Castaing refuse d’adopter le chalut de son concurrent Oscar Dahl et de payer la licence d’utilisation à ce dernier. Il annonce qu’il mène ses propres recherches et sort un chalut qui ressemble au chalut VD. Dahl l’attaque en justice pour contrefaçon. Une série de procès oppose les deux armateurs de 1923 à 1928 avant que les tribunaux de Rennes et Lorient ne viennent confirmer les brevets déposés par Dahl et Vigneron.
En 1935, Fernand Castaing fait construire à Bordeaux, aux Forges et chantiers de la Gironde, le Casoar, un chalutier équipé d’un moteur diesel de 1 350 chevaux. C’est une unité de 53 mètres pour 9,22 mètres de large et 595 tonneaux. Ce bateau va pêcher le merlu, le maigre appelé « royal bar » et autres espèces locales au large de la Mauritanie et du Maroc. Pendant la guerre, il est réquisitionné par la marine allemande et se retrouve à Kiel où il subit des transformations. Quand il est récupéré en Ecosse à la fin de la guerre, il n’a plus ses treuils de pêche. Il fait alors du cabotage, ramène du rhum de la Martinique et du vin d’Algérie.
Après guerre, l’armement n’a plus que cinq à six bateaux à vapeur entre 45 et 50 mètres. Sont construits Avocette, 42 mètres à moteur, Pélican, 33 mètres, Joselle, 28 mètres, Imbrim, 34 mètres, Bernache, Tadorne. Le Nord Caper fait partie du programme. A la fin des années 70, la pêche industrielle rochelaise décline, les chocs pétroliers, l’éloignement des lieux de pêche, la raréfaction de la ressource mettent à mal l’activité. Si certains armements renoncent et vendent leurs bateaux, l’entreprise Castaing essaie de se maintenir. La difficulté à retrouver une rentabilité va conduire certains navires comme l’Eider à rester amarré au « quai de l’oubli » en attendant d’être vendus. Ce 45 mètres était destiné à aller pêcher dans le Nord les espèces communes pour continuer l'expérience du Cap Saint Jean. L’aventure se termine par un dépôt de bilan en 1981.
Fernand Castaing a eu deux fils, Roger et Robert. Roger est décédé à l’âge de 22 ans, c’est donc Robert qui travaille avec son père. A la mort de Robert en 1952, c’est le fils de Roger, Jean-Jacques qui rejoint son grand-père dans l’armement. Ce dernier est décédé en 1961. Le fils de Jean-Jacques, Elian, a rejoint l’armement en 1972. Après la fermeture, Elian Castaing a participé à l’aventure du Scapiria, ce chalutier de 30 mètres financé par tous les armements, Auger, ARPV, Chalutiers de La Rochelle, Sarma (qui avait repris les bateaux de Dahl), pour essayer de relancer la pêche industrielle. Aujourd’hui, le descendant de l’armement gère des chalutiers immatriculés à La Rochelle, mais financés par des capitaux espagnols, des navires servis par des équipages espagnols.
Fernand Castaing était un homme de fort caractère, qui a réussi une belle carrière en débutant comme mousse. « Son épouse, Marie-Catherine l’a beaucoup aidé, explique Elian Castaing, son arrière petit-fils. Elle était institutrice dans son village. Fernand aimait les honneurs et les responsabilités. Il a multiplié les présidences : des armateurs de France, du Stade Rochelais, de l’Amicale du Midi, du Tribunal de Commerce. Il fut conseiller du commerce extérieur et ami intime avec Alphonse Rio, ministre de la marine entre les deux guerres. Il a aussi créé la « Caisse d'entraide des marins péris en mer » qui organisait chaque année un arbre de Noël et fut longtemps membre du Rotary. »
Yves Gaubert